Derrière l’image plan-plan de
fast follower que présente Toyota se cache une entreprise profondément disruptive.
Après-guerre, en faillite, elle a su s’imposer comme le concurrent dominant de l’industrie automobile japonaise en apprenant à flexibiliser ses chaînes de production et en proposant à ses clients des gammes larges avec un renouvellement fréquent des modèles – tout en réduisant ses coûts d’utilisation du capital.
Puis, elle s’est attaquée au marché américain par la qualité et la robustesse de ses modèles (ainsi que des options en série – en lien avec la flexibilité), s’imposant progressivement sur tous les segments, des petites économiques aux berlines de luxe et SUVs avec Lexus.
Dans les années 1990, Toyota change complètement la donne automobile avec le succès de la Prius et maintenant la moitié de ses modèles sont hybrides – ce qui a mené à une véritable transformation du marché vers plus de green.
L’entreprise n’a pas plus de boule de cristal qu’une autre – il lui aura fallu quelques années pour comprendre que la disruption menée par Tesla n’était pas tant le tout électrique (une technique que Toyota a d’ailleurs co-développée avec Tesla), mais la connectivité et les upgrades par
broadband. Toyota est d’ailleurs en train d’investir massivement sur le sujet pour essayer de rattraper le train.
Toyota a également servi de modèle à de nombreuses autres entreprises disruptives : le Valeo de Noel Goutard, le Wiremold d’Art Byrne et bien entendu l’Amazon de Jeff Bezos et bien d’autres.
Le vrai lean est complètement disruptif : il ne s’agit pas de protéger le
statu quo, mais au contraire d’imposer une pression constante à ses concurrents en allant plus vite vers la satisfaction complète des clients et la réduction des coûts totaux par la qualité et la flexibilité – ce qui, bien évidemment, ne peut se faire sans l’engagement et l’implication de tous les collaborateurs, et un mode de management totalement différent du commander-et-contrôler habituel.
En revanche, les démarches d’excellence opérationnelle sont, elles, protectrices du statu quo. Les chantiers d’amélioration de la productivité à droite et à gauche permettent d’éviter de faire face aux challenges de fond en maintenant l’entreprise telle qu’elle est et en serrant les boulons par des actions ponctuelles de productivité.
Les chantiers lean, aux contraire, sont des laboratoires de recherche d’idées d’améliorations opérationnelles qui mèneront à un meilleur service aujourd’hui pour concevoir un meilleur produit ou service demain. Il ne s’agit aucunement de protéger l’organisation, mais au contraire de toujours la challenger pour que le management écoute mieux les collaborateurs, les soutienne mieux et apprenne à mieux travailler ensemble pour offrir des produits et services nouveaux, de meilleure qualité et à un meilleur prix. C’est en faisant marcher ce qu’on a aujourd’hui qu’on découvre ce qui marchera demain.
Lorsque vous pratiquez le lean sur le terrain, posez-vous la question : suis-je en train de mener une amélioration pour permettre à l’entreprise de rester telle qu’elle est ? Où suis-je en train de soutenir du kaizen pour mettre en évidence qu’on n’a pas à accepter la mauvaise qualité, les retards, les stocks, les tâches inutiles demandées aux collaborateurs (ou dangereuses ou trop difficiles) qui font que le rendu final au client est médiocre – et ne se distingue guère de ce que proposent les autres concurrents.
Cette question se pose à tout moment lors du travail au quotidien et nous met tous face à un choix éthique : pratiquer du lean pour de vrai, ou accepter de faire semblant ? Protéger le
statu quo ou chercher la rupture concurrentielle au service des clients ?
Michael Ballé
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