Après le reengineering des processus et le six sigma, le monde corporate est maintenant tellement occupé au 4.0 qu’il explique qu’il n’a pas le temps pour le lean. Sur le gemba, c’est fascinant de voir à quel point le désir d’échec des technocadres s’exprime encore et toujours. Le 4.0 que l’on me montre consiste à numériser des processus déjà absurdes et inefficaces. Une méthode qui donne des résultats médiocres aujourd’hui a peu de chances d’en donner de meilleurs parce qu’elle est codée dans un système informatique !
La vraie question n’est pas 4.0 ou lean, mais 4.0 ou digital. Les entreprises qui disruptent leurs industries ne sont pas des entreprises 4.0, ce sont des entreprises digitales. Elles sont obsédées par :
1. La qualité : sans satisfaction complète des clients, aucun espoir de survire dans un monde où le gagnant prend tout.
2. La rapidité : qu’il s’agisse d’Amazon ou d’AramisAuto, les entreprises digitales se battent tous les jours sur la rapidité de leur réponse aux clients, et la rapidité des mises en production en interne.
3. La flexibilité : la taille d’étagère infinie que permet le digital requiert une chaîne opérationnelle infiniment flexible pour pouvoir répondre rapidement à une demande extrêmement variée.
4. Le prix : rester concurrentiel en offrant le meilleur prix dans la catégorie nécessite de mettre des améliorations de productivité globales au service de la réduction des prix pour le client.
Le lean est la seule méthode connue qui permet d’aller chercher productivité du capital, productivité du travail et productivité achats par le kaizen : intuitions et initiatives de chacun, partagées, et intégrées ensemble dans une meilleure offre soutenue par de meilleurs process.
A contrario, le potentiel de bureaucratisation ubuesque qu’offre l’informatique en numérisant des processus inflexibles et inefficaces, comme nous l’avons vu pendant trente ans sur les ERP fondés sur la gestion de stock, est infinie. Si le cœur de votre ERP est de maintenir les stocks au « bon niveau » votre croissance ne peut se faire qu’au prix d’une croissance exponentielle de vos stocks qui étouffe l’entreprise par manque de cash et par surcroît de complexité. En revanche, une app qui permet de suivre le
lead-time de chaque commande crée la tension qu’il faut pour sans arrêt livrer plus juste et plus vite.
Ainsi, les dirigeants qui croient bien faire en rajoutant une couche de digital à des entreprises déjà sclérosées par l’ISO et par les investissements inutiles ne font qu’accélérer le point où on se rend compte qu’au-delà des emprunts et des refinancements… les caisses sont vides et les clients partis.
Comme le montre bien Cecil Dijoux dans son dernier ouvrage
#hyperlean en action, penser digital nécessite de penser lean pour réussir son
scale-up. Très fondamentalement, les machines, qu’il s’agisse d’une presse à injecter ou d’une Intelligence Artificielle, ne sauront jamais :
• Appendre des demandes particulières des clients pour s’adapter à la demande réelle
• Concevoir une nouvelle version améliorée d’elles-mêmes
L’intention de qualité, rapidité, flexibilité et réduction des coûts du lean et la méthode correspondante de kaizen par chacun, partout tout le temps, est la clé de l’innovation car elle apprend à tout le monde à changer en permanence tout en cherchant des idées innovantes à tester et développer. Dans ce contexte, le digital offre l’incroyable opportunité d’explorer et de tester beaucoup plus vite, et de se rapprocher rapidement des clients pour mieux les écouter les servir.
Ce n’est pas par hasard que les dirigeants de sociétés réellement digitales comme Amazon aux Etats-Unis ou AramisAuto en France se sont plongés dans la pensée lean. Le lean est la seule méthode prouvée permettant de tirer pleinement parti de la promesse du digital en s’améliorant en permanence et d’échapper au piège du 4.0 – rigidifier des processus déjà lourds, complexes et inefficaces. Pour réellement penser digital, commencez par penser lean.
Michael Ballé
Téléchargez cette newsletter en
PDFCet article Lean, 4.0 ou Digital ? est apparu en premier sur Institut Lean France.