Cher Gemba coach, J’ai décidé d’emmener mon équipe de managers sur le gemba pour les amener à résoudre de vrais problèmes, mais cela crée beaucoup de tensions et ils se plaignent de la pression. Devais-je m’y attendre ? Oui, dans une certaine mesure. Quand les gens n’ont pas l’expérience de la résolution en équipe de problèmes basiques, ils ont tendance au début à ergoter sur la recherche de coupables et trouve qu’il est difficile de travailler ensemble. Du coup, une certain niveau de tension est normal, en effet. Cela dit, il peut arriver que vous ajoutiez involontairement à la pression en essayant d’inciter vos managers à résoudre les problèmes immédiatement. Respirons un grand coup et prenons du recul. Le but de l’observation sur le terrain est d’amener le management à s’accorder sur les problèmes à résoudre et de soutenir les équipes dans leur acquisition d’autonomie à la résolution de leurs propres problèmes. Le but N’EST PAS d’amener le management à résoudre les problèmes, il EST d’enseigner les managers à enseigner à leurs équipes à résoudre les problèmes en équipes transverses. Pas simple ! Quand vous démarrez les visites gemba, ce que vous essayez vraiment de faire est d’amener le management à s’accorder sur les problèmes, pas à les résoudre. Par exemple, dans un hôpital, comment amenez-vous l’ensemble du management à considérer que stocker des trucs dans les couloirs parce-que vos zones de stockage sont pleines parce-que la logistique ne livre pas assez souvent EST un problème ? Ce n’est pas quelque-chose qu’ils peuvent résoudre d’un claquement de doigts. Ils doivent comprendre cela avant de travailler ensemble à l’amélioration. En second lieu, vous devez également éduquer votre équipe sur le fait que vous ne cherchez pas la solution parfaite du premier coup. Ce que vous recherchez vraiment, c’est un pas en avant pour améliorer la performance. Dans le cas de l’hôpital ci-dessus, avant de changer l’ensemble du système logistique, vos premières attentes seront de faire du 5S dans la zone de stockage afin d’avoir une situation de départ propre, pour comprendre ce que vous avez sous les yeux. Troisièmement, notre but est le travail en équipe, pas d’avoir une seule personne en charge de la totalité du problème. Cela signifie que chaque membre de votre équipe de management devrait s’attaquer avec son équipe à la partie du problème commun qui lui incombe, et que d’une certaine manière, vous pouvez coordonner tout cela de manière que chaque silo ait la vision de son impact sur les autres silos. Les gemba walks: pas pour résoudre les problèmes Dernier point, mais non le moindre: c’est votre boulot de vous assurer que le client n’est pas oublié quand les gens commencent à s’attaquer à leurs problèmes techniques. « Le Client d’abord » reste le point de départ, et vous devez vous faire le représentant du client dans chaque discussion sur les solutions possibles. Par exemple, l’expérience de l’hôpital ci-dessus m’a montré qu’il est possible de s’accorder rapidement sur des problèmes opérationnels. Mais amener votre équipe à affronter les problèmes des patients, comme mesurer les complications, compter les lits dans les couloirs dans le service d’urgences et de s’y attaquer, voilà qui est bien, bien plus difficile. Mais quel que soit votre point de départ, c’est votre job d’orienter en permanence votre équipe vers des problèmes qui ont un impact réel sur la satisfaction du client. Cela représente beaucoup de choses à avaler pour n’importe quelle équipe de management. Que pouvez-vous faire pour qu’il leur soit plus facile de vous suivre dans cette approche – autrement qu’en résistant simplement parce qu’ils n’y voient pas leur propre intérêt et ne se sentent pas à l’aise, ou même se sentent menacés par votre stratégie ? Si on regarde le problème sous l’angle de la psychologie sociale, on apprend que l’attention des gens à moyen terme est attirée par :
- Un choc : quelque-chose qui vous marque (positivement ou négativement) et qui va faire taire l’homoncule qui occupe votre esprit avec des préoccupations internes, et vous faire lever la tête et prêter attention. Les gemba walks sont un très bon outil pour cela car vous pouvez montrer à votre management que ce qu’ils considèrent comme banal et routinier est en fait un vrai problème dans la vraie vie. L’écart entre la réalité de ce qui arrive et ce que les gens supposent de cette réalité est en général suffisamment significatif pour que cela choque les managers et les amène à prêter attention (cela déclenche également des réflexes défensifs que vous devrez ignorer).
- Un cadre : Malheureusement, il est rare que l’expérience se transforme spontanément en apprentissage. Les gens ont besoin de mettre leur expérience dans le contexte mental adéquat pour comprendre l’expérience et bâtir de nouveaux arguments et hypothèses, ce qui in fine les amènera à un vrai apprentissage. Donner un cadre signifie expliciter le but/la méthode que vous poursuivez. Dans le Lean, le but est l’amélioration de la performance et la méthode est le Kaizen (amélioration des processus par les équipes elles-mêmes, sur le terrain). Pour faciliter cela, vous pouvez mettre en place une salle Obeya où les indicateurs de performance sont clairs (accidents, plaintes clients, lead-time, rotations de stocks, productivité, etc…) et où est affichée la résolution de problèmes par le PDCA (par exemple sous la forme d’un A3 ou de quelque-chose de plus simple si vous préférez). En procédant ainsi, vous créez un espace de pensée cadré par la performance que vous souhaitez améliorer et les types d’amélioration des processus auxquels vous accordez de la valeur. Cela est extrêmement utile pour amener votre équipe de management à replacer l’expérience du gemba dans son contexte, et à comprendre ce que vous cherchez à les amener à faire – en plus de les inciter à travailler ensemble sur des problèmes plus spécifiques.
- Une incitation : ça rapporte quoi? Les incitations ne se réduisent pas à des gains financiers (en fait, vous devez veiller à ce que la répartition des bonus encourage les gens à travailler ensemble, et pas comme on le voit souvent, à avoir l’air plus malin que les collègues). Les incitations pourraient être de meilleurs résultats, plus de reconnaissance, une meilleure atmosphère de travail, etc… Cela dit, vous devez mener une réflexion approfondie sur les incitations susceptibles d’encourager vos managers, un à un, pour apprécier les gemba walks au lieu de les redouter. Tout cela pour dire que la pensée Lean s’applique autant aux gemba walks qu’à toute autre activité. Comment définiriez-vous un gemba walk réussi ? Et un autre moins bien réussi ? Quelle est la performance que votre équipe de management devrait améliorer ? Et quels sont les aspects de votre propre gemba walk que vous devriez améliorer pour obtenir cette amélioration ? Les gemba walks sont le point de départ de la pensée Lean, mais leur but est de créer les conditions pour réfléchir à nos enjeux fondamentaux en observant des séquences de travail spécifiques, pas de résoudre des problèmes immédiats grâce à la pression managériale. En réalité, votre équipe de management pourrait opposer de la résistance à ce nouvel exercice (certains le font déjà sûrement), mais leurs réticences à propos de la pression doivent être considérées avec respect.
Le gemba walk n’est pas le lieu pour résoudre les problèmes, c’est le lieu pour les comprendre (à nouveau, demandez « pourquoi ») et les partager. Résoudre le problème fait partie du travail quotidien du manager, avec le soutien et le coaching de son propre manager. Les gemba walks structurent la pratique de la pensée Lean. La résolution des problèmes un par un à l’intérieur d’un département donne aux gens l’entraînement pour mieux comprendre leurs processus et générer de nouvelles idées pour améliorer leur travail.
Traduction par François Lopez
Le texte en version anglaise est disponible iciCet article Le Management rechigne à aller sur le gemba est apparu en premier sur Institut Lean France.
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